Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL

Pierre à sel (Champfromier, Rue du Vieux-Bourg)

 

Le hasard d'une promenade, une ombre portée par un soleil estival et un œil aux aguets font parfois voir sous un nouveau jour ce que l'on avait vu cent fois sans en prendre conscience ! Il en va ainsi de la "pierre à sel" de la rue du Vieux-Bourg à Champfromier, présumée témoigner du lieu entrepôt local de sel royal, lieu de revente du sel au détail par un regrattier (revendeur de sel).

Toutes les pierres à sel retrouvées localement sont situées sur le territoire français qui encadrait depuis le traité de Lyon en 1601 la "Manche Sarde", demeurée à la Savoie. L'ensemble de ces territoires ne devint totalement français que par le Traité de Turin (1760).

La gabelle, impôt en sel, ne cessa qu'à la Révolution. Le Roi de France avait seul le droit de vendre du sel, et chaque foyer du royaume devait en acquérir, au prix fixé par le Roi, suivant une quantité déterminée périodiquement par les assesseurs des syndics et consignée dans un rôle. Le sel de contrebande, provenant de pays voisins, était beaucoup moins cher. Ce sel était nécessaire, pour la conservation de la viande, et pour les besoins alimentaires des bestiaux.

Une pierre à sel à Champfromier (Ain), Rue du Vieux-Bourg

Cette calotte sphérique, ici de petite taille (diamètre allant de 19 à 22 cm, épaisseur 5 cm), est caractéristique des Greniers à sel de l'Ancien régime (qui pourrait tenir sa forme d'une ancienne mesure en creux taillée dans une pierre, comme on en voit en divers endroits de France). Mais il est important de préciser que de nombreux bossages rencontrés en France, et ailleurs dans le monde, n'avaient toutefois qu'une fonction décorative.... Les vraies pierres à sel étaient un signe de reconnaissance de l'entrepôt, comme les vieilles enseignes en fer forgé ou nos enseignes lumineuses actuelles.

Le vieux Champfromier retrouvé ?

La publication de Debombourg sur Champfromier signale qu'en 1758 fut établie en ce village la brigade des gardes. Il ajoute entre parenthèses "douaniers". Ces gardes, comme on en trouve partout en France, et en particulier à Montanges dès 1688 et à Chézery (Employés des Fermes du Roi de France baptisant leurs enfants dans la partie savoyarde de Chézery dès 1704), avait dans leurs attributions de vérifier la provenance du sel et d'en éviter la contrebande [Debombourg, p. 36 et 16].

La présence de cette "pierre à sel" rue du Vieux-Bourg, contribuerait à positionner le vieux Champfromier, non pas rue de L'Eglise, ni bien sûr rue des Burgondes (la route n'y fut créée qu'en 1867), mais bel et bien sur les hauteurs, rues de la Fruitière et du Vieux-Bourg. Même si cette pierre a pu être utilisée en réemploi, de par sa fonction il est cependant difficile de penser qu'elle puisse provenir de cet hypothétique monastère qui aurait donné son nom au hameau de Monnetier, ainsi qu'on l'entend couramment dire en justificatif de toutes les pierres taillées de Champfromier !

Il y a fort à croire au contraire que cette pierre a toujours été présente à l'endroit où elle est actuellement, ou à proximité immédiate. Une ancienne cure aurait d'ailleurs été située juste en face de ce "grenier à sel". On ne sait que peu de choses des anciennes église ou chapelle primitives de Champfromier mais il n'est donc pas exclu qu'une première église fut aussi située en ce quartier... Ce qui est certain c'est qu'en ce Champfromier-le-Haut, des pierres de taille ouvragées anciennes se trouvent dans presque toutes les maisons sous des formes variées : encadrement de fenêtre en accolade, très nombreux encadrements de portes ou fenêtres biseautés, encadrement de porte avec blason estimé de la fin du XVsiècle, linteaux datés de 1539, 1589 et de 1596, base de pilier cylindrique en pierre, croix, niche intérieure à accolade, pilier de cheminée dans une ancienne pièce à vivre, pierres de remploi, etc. Ce quartier tranquille, même s'il fut certainement ravagé à plusieurs reprises par des incendies, et reconstruit avec ses propres pierres, est à n'en pas douter l'une des plus vieux de la commune de Champfromier, tout comme Monnetier.

 

Voir Les pierres à sel.

Première publication, 2009. Dernière mise à jour de cette page, le 29 août 2022.

 

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