Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL

Notaires (Tavernier, Mojonat, Bornet, Genolin)

 

Dans la région, ce sont les princes de Savoie qui avaient encouragé les premiers l'usage des notaires. La grande peste de 1348 aura pour effet de multiplier les petits actes privés, sanctionnant ainsi l'émergence d'une nouvelle caste [Guichard, p. 123-124].

L'Histoire de Champfromier nous apprend avec étonnement que deux notaires officiaient à Champfromier au milieu du XVsiècle. Par un procès-verbal de revendications par les paroissiens de Giron en 1614, ils citent un contrat du 20 septembre 1467 reçu par "maîtres Tavernier et Mojonat notaires ducaulx de Champfromy" [Visite pastorale de Giron, en 1614 -- Hist. de Champfromier, p. 54-55].

Au XVIsiècle, ce sont les Bornet qui ont acquis les charges de notaires, ou de praticiens, exerçant à Champfromier et dans le Jura. La sœur de l'un d'eux épousera un notaire de Chézery.

Fin du XVIsiècle et au XVIIsiècle, ce sont les Genolin qui assument la succession. Jean Genolin est le plus connu pour avoir consigné dans ses notes (dont les originaux manquent) l'épisode des 25 maisons incendiées à Monnetier par les Cuanais, dont la sienne, à la Saint-Jean de Noël 1634 (ou 1636) [Hist. de Champfromier, p. 63]. Cette tradition se perdra à Champfromier au profit des notaires du village voisin de Montanges, mais se poursuivra pour les Genolin jusqu'au XVIIIsiècle à Châtillon en Michaille.

Me Estienne Bornet, notaire ducal attesté de 1559 à 1576

Plusieurs documents du fonds Delaville attestestent, par sa signature très caractéristique, qu'un Bornet fut notaire ducal entre 1569 et 1573 [Mss 289 (parchemin), 297 et 302]. Un registre entier, jadis conservé dans le local des archives de l'abbaye de Chézery, était composé de reconnaissances envers l'abbaye de Chézery (237 feuillets utiles et un répertoire), "reçues par Me Etienne Bornet de Champfromier" vers 1572 et 1576 [AD74, 1G333, n° 4].


Très caractéristique signature Bornet : notaire ducal, en 1569 [Mss 289]

On connaissait déjà son prénom, Estienne, Etienne Bornet [CI-10172], par un autre document, où il est seulement qualifié du titre de Maître, mais sans faire allusion à sa charge de notaire, et ne l'ajoutant pas au paraphe très particulier de sa signature. Il s'agit d'un acte personnel, daté de 1545, où il réalise des achats à Champfromier [Arch. privées, Ch. T, n° 1]. Cette même série de document permet d'attester sa fonction dix années plus tôt que par la série du fonds Delaville, en 1559 [Arch. privées, Ch. T, n° 2]. Un document d'une autre source privée confirme, par sa signature, sa fonction en 1566.

Il semble avoir exercé jusqu'à un âge avancé, au service de l'Abbaye de Chézery. En effet, un livre entier de reconnaissances envers l'abbaye de Chézery (237 feuillets utiles et un répertoire), "reçues par Me Etienne Bornet de Champfromier" vers 1572 et 1576, était détenu dans les archives de l'abbaye de Chézery [AD74, 1G333, n° 4].

Me Jehan Bornet, notaire ducal attesté de 1574 à 1578

Présumé fils du précédent, on trouve la signature d'un autre Bornet, aussi notaire ducal, de 1574 à 1578 [Mss 310, 311, 318].

On connaît même son prénom, Jehan, Jehan Bornet [CI-10179]. Le parchemin 318 du fonds Delaville, acte original daté du 3 novembre 1578, concerne un achat par noble Pierre De la Villa [Delaville], de Saint-Germain-de-Joux, châtelain des "montagnes" du prieuré de Nantua ; de pièces de terres à Montanges, acquises de Philibert Bussiod, dit Charle. L'acte est passé "...pardevant moy Jehan Bornet de Champfromier, notaire ducal public soubsigné...". Et la signature, avec l'initiale du prénom, ne laisse aucun doute !

 
Signature Bornet en 1578 [Mss 318]

Il est à signaler que ces deux notaires étaient natifs de Champfromier, et non de Communal ou de Monnetier, et qu'en ce XVIsiècle où ils vécurent (sous domination de la Savoie), ils durent habiter l'une de ces belles maisons du vieux Champfromier dont il nous reste encore quelques jolis linteaux ouvragés... Mais que dire de ce que sont devenues leurs archives notariales ?

 

Signalons aussi un Jacques Bornet, notaire ducal et bourgeois de Seyssel en 1571, de signature bien distincte [Mss 294], et un Jean Bornet de Champfromier, notaire au Comté de Bourgogne, absent de la Terre de Nantua depuis un an en 1670 [H 66].

Le livre des minutes des notaires des archives du Jura confirme la présence de notaires natifs ou ayant eu des ancêtres à Champfromier, et en suggère d'autres : Me Jean Bornet [CI-10688] 1650-1704 (manque de 1696 à 1698) à Poligny et Me Jean Bornet à St-Claude (1650-1659) et Me Ducret à Lons (1679) [AD39, 4E 35] et Me Micholet Joseph à Loisia de 1733 à 1747, Me Micholet Claude-Joseph à Loisia (1755-1791) et Me Micholet Claude-Marie Paulin à Loisia, an III à 1816.

 

Etienne Genolin (+ Monnetier, 1623), notaire attesté de 1562 à 1603

L'inventaire des biens délaissés par noble Jean Delaville, demeurant à Montanges, époux de Charlotte Mermet, fut effectué le 7 juin 1616. Dans le coffre figuraient plus de 70 papiers justifiant des biens du défunt. On relève ainsi quelques actes notariés rédigés par les Genolin, probablement au moins deux notaire Etienne et Jean, certains actes ne mentionnant pas le prénom, qui semblent bien de Monnetier. La pièce inventoriée 47 (dont le numéro figure après le résumé), est une vente pour Pierre Delaville, châtelain de Montanges, par Claude fils de Thoine Tornier par acte reçu par "ledit" [mentionne le résumé] Genolin le 24 juin 1562, d'une pièce de pré au Collet.

Plus tard, mais archivé du numéro 46 précédent, on relève un achat pour noble Pierre Delaville d'une place de fumier, par acte reçu par MGenolin en date du 28 mai 1588. MGenolin est encore cité en juillet 1588 et le 17 décembre 1598 [Mss 15, art. 29 bis, 46 et 47]. Sans signature non plus, mais cité comme témoin avec mention du prénom, on sait qu'en 1597 (le 12 août), Etienne Genolin était notaire ducal à Monnetier, et de même en 1597 (le premierr avril), cette fois sans précision du lieu d'exercice [Mss 9 et 10].

Le 27 février 1603, par contre, nous possédons un réél manuscrit, présentant de plus une appréciable calligraphie, "L'an mil six centz et trois et le vingt septiesme jour du moys de febvrier..."

Naturellement, l'acte comporte la signature, Genolin, notaire royal, parfaitement lisible. Mais pas encore de prénom ni initiale en aucun endroit mentionné...

 
La même signature Genolin, notaire, mais dit ducal, à gauche en 1572 [Mss 299], et royal à droite en 1603 [Mss 11].

Cet acte n'est pas non plus sans intérêt pour Champfromier puisqu'il concerne une vente par les Bornet et consorts à Louis Mermet de Montanges, d'une pièce de pré avec maison de bois et mur, de 27 soytures de bois et rochers à la Combe des Vuax (1603 est presque la plus ancienne mention manuscrite connue de cette Combe !) [Mss 11]. La signature étant au titre près la même qu'en 1572 (voir ci-dessus) – et aussi en 1578 [Mss 317], en 1586 [Arch. privées] et en 1598/99 [Mss 323 à 327 (avec mention de notaire royal et non ducal en 1599)] –, il est donc présumé que cet Etienne Genolin eut une carrière assez longue, prenant le titre de notaire royal (anticipant quelque peu) le retour du Bugey à la France en 1601.

Etienne Genolin [CI reconstitué 9939], fils de feu Claude, de Monestier, vivant en sa maison avec sa femme et trois filles, était notaire ducal et curial de Montanges en 1585 [AD73, SA1092/7]. Il est décédé à Monnetier le 16 février 1623 (très âgé et né vers 1532 si on l'estime devenant notaire à l'âge de 30 ans). Les registres paroissiaux ne permettent de reconstituer que partiellement sa famille : Thièvena Bornet, fut sa femme, puisqu'elle est dite femme du curial Genolin en 1606 (marraine), mais très probablement en secondes noces pusiqu'elle est décédée veuve de Me Etienne Genolin le 7 juillet 1647 ! Les enfants connus d'Etienne sont : Philiberthe [10694], fille (à marier) de MEthiene Genolin de Monestier (marraine les 18/10/1606 et 27/04/1608), Pérona [10695], fille (à marier) de MEthiene Genolin (marraine le 24/12/1609), enfin Jehan, fils de MEthiene Genolin (parrain le 31/12/1606), le notaire de Monestier, son successeur.

Jean Genolin, notaire attesté de 1622 à 1677

Maître Jean Genolin [CI-9809] est incontestablement le fils (tardif) d'Etienne, l'ancien notaire royal de Monestier. S'il se dit notaire dès 1622 (baptême de sa fille Charlotte), c'est en 1624 qu'il semble accéder au titre de notaire royal succédant à son père à Monestier. Sa copie en 1624 d'un acte rédigé par son père en 1618 est on ne peut plus explicite "levé et extrait des notes et protocoles de feu Me Estienne Genolin, mon père notaire royal quand vivait (décédé le 7 février 1623), par moi Jean Genolin, aussi notaire royal, sans y avoir ajouté aucune chose, ni diminué aucune chose, et c'est par vertu des lettres de commission par moi obtenues du Sieur lieutenant général, … en Bugey, le 30e août 1624" [Archives du diocèse, cure de Champfromier, notaires, f° 49 (4 mai 1618 (et copie avec mention du 30 août 1624)]. Sa signature, avec son initaile J de Jean, y est déjà celle très caractéristique que l'on retrouvera durant toute sa carrière, comme en 1632 [Mss 170], en 1657 [Mss privé], en 1659 [Mss 165], en 1666 (premier mars) [Ms 34], 1669 [Mss 35], 1670 [Mss 453], et enfin en 1677 [Mss 189].

 

 
Deux signatures de Jean Genolin, en 1632 [Mss 170] et en 1666 [Mss 34]

 

Dans les débuts de sa carrière de notaire royal, Maître Jean Genolin, avait participé en 1625 au renouvellement des us et coutumes de Champfromier, en validant la procuration donnée par les habitants de cette paroisse à leurs représentants, en date du 22 juillet 1625.

Le notaire payait des droits annuels. En 1676, à Belley est donné une quittance à Me Jean Genolin "J’ai reçu de Me Genolin de Champfromier, la somme de 4 livres 12 sols 3 deniers, pour le troisième terme de sa quotte d’office, de la présente année." [Archives du diocèse, cure de Champfromier, notaires, f° 157 (9 septembre 1676)].

Il décéda en 1684, comme son père, très âgé pour l'époque. En effet un commentaire du registre paroissial sur le décès du curé Pierre Mermet en 1663, est dit : "Tiré des Mémoires de Me Jean Genolin, Notaire Royal de Monestier qui vivoit pour lors et qui mourut âgé de 90 ans le 19 février 1684" [Page 369 reconstituée du premier registre]. Il serait donc né vers 1594, probablement à Monnetier, paroisse de Champfromier. Il épousa Pernette de Louverier, dont il eut une dizaine d'enfants nés à Monnetier (hameau de Champfromier) dans les années 1622-1646, sans compter une fille d'une veuve de Monnetier, née en 1636 trois jours seulement avant un fils, légitime, celui-ci !

On ne connaît toutefois pas d'héritier de cette famille ayant poursuivi l'activité professionnelle en ce village avec le renom de son père. Par son testament, on sait que son fils Henry sera le détenteur des minutes de la charge héréditaire de ses ancêtres, mais son nom n'apparaîtra jamais en tant que notaire, étant seulement praticien (souvent témoin, peut-être faisant fonction de notaire du seigneur, sans les titres). On ne sait pas non plus ce que sont devenues les minutes Genolin, si elles furent détruites ou si elles sont conservées en quelque endroit encore non signalé à ce jour (2013)....

C'est à Montanges, qu'une autre famille, celle des Maurier, perpétuera la profession, attestée au moins de 1731 à 1770 : de nombreux champfromérands s'y rendirent pour leurs actes officiels, vente de biens, désignation de curateur ou contrat de mariage.

Jean-François Genolin-Pochy (notaire à Châtillon, 1744-1768)

Jean-François Genolin [CI-1217], est un troisième notaire Genolin, descendant celui-ci de manière attestée des Genolin-Pochy de Champfromier. C'est "Sr Jean-François GENOLIN, notaire royal et curial des terres de Châtillon" qui fut parrain de François Famy, baptisé le 16 août 1744 à Champfromier, et qui sera parrain bien d'autres fois encore jusqu'en 1768. Il cumule les charges, c'est aussi lui, "Genolin contrôleur des actes à Châtillon", qui est attesté entre 1751 et 1765 [Mss 70, 392, 536 (et mention de contrôleur au baptême de Marie-Françoise Genolin, à Champfromier le 30 mai 1749)]. Il épousa Marie Brunet, d'Ardon-Châtillon et ils eurent pour fils Anthelme, médecin de Châtillon, ce dernier ayant pour postériété la branche de Seyssel, en particulier Camille, juge de paix.

 

Les mentions de copies d'actes mentionnant un Genolin notaire ne manquent pas, elles n'ont pas toutes été relevées. Leur grand nombre témoigne en tous cas que l'activité ne manquait pas, à cette époque, pour une profession, celle de notaire, que l'on n'imagine plus aujourdh'ui viable à Monnetier, hameau de Champfromier. Elle fut pourtant présente sur deux siècles, et même trois siècles consécutifs si l'on élargit les compétences professionnelles jusqu'à Châtillon !

 

Remerciements : Dr Jean-Luc Boucher pous ses manuscrits (Mss) du Fonds Delaville, Nicole Grépin (généalogiste).

Première publication le 28 janvier 2010. Dernière mise à jour, le 12 octobre 2017.

 

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