Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL |
Après la volonté de reprise en main par Méaulte, le terrible représentant du peuple, qui avait envoyé un agent de Montanges pour réorganiser la municipalité de Champfromier, le mandat du précédent maire en exercice, on s'en doute, ne dura plus longtemps : Julien Tournier est nommé pour le remplacer. Pas pour longtemps, un an et demi, avant de cesser ses fonctions...
Le compte-rendu des nominations, en date du 28 messidor an II (15/08/1794), commence par la froide devise de la Terreur, puis continue sans nuances... :
"Liberté, Egalité, Fraternité, ou la mort. Le représentant du peuple dans le département de l'Ain (Méaulte) voulant faire la marche du gouvernement révolutionnaire et établir ses autorités constituées dans le district de Nantua d'une manière durable et définitive, a arrêté la réorganisation suivante : Municipalité de Champfromier".
Maire : Julien Tournier ("Tournier maire" [RD06, f°16], conseiller au mandat précédent) .
Officiers municipaux (5 autres) : François Marquis, premier officier ; Claude-François Grisard ; François Julliand de Communal (dit) Prince ; Jean-François Tournier ; Bernard, fils de Roland Collet, officier public.
[Dans l'ordre alphabétique : Collet Bernard fils de Roland (Officier public, qui signe "Collet mp" [f°16], ne sera plus présent au remaniement de décembre)), Grisard Claude-François ("GriSard mp" [CI-1835 (f°16)]), Julliand-Prince François ("julland mp" [f°16]), Marquis François (1er officier, qui signe "Marquis mp" [f°16]), Tournier Jean-François ("Tournier mp" [f°16])]. Nota : "mp" pour officier municipal.
Notables (12) : Jean-Joseph Bornet de MalaCombe, Jean-Roland Evrard, Martin Tavernier du Ponds Enfer, André Serignat, Jean-Joseph Julliand de Communal, Joseph Tournier, Rolland Collet de Monetier, Charle Couttier, Antoine Bornet, François Ducret-Besson, François Martin, Claude-Joseph Evrard.
[Dans l'ordre alphabétique : Bornet Antoine ("Bornet n" [f°16]), Bornet Joseph de la Malacombe ("Bornet n" [f°16]), Collet Roland de Monnetier ("collet n" [f°16]), Coutier Charles ("cotiuri" [f°16]), Ducret-Besson François ("françois ducré n" [f°16]), Ducret Jean-Roland, Evrard Claude-Joseph ("Evrard n" [f°16]), Evrard Jean-Roland ("Evrard n" [f°16]), Juilland Jean-Joseph de Communal ("julliand n" [f°16]), Martin François ("martin n" [f°16]), Serignat André (illettré), Tavernier Martin du Pont d'Enfer ("tavernie n" [f°16]), Tournier Joseph (illettré)]. Nota : "n" pour notable.
Agent national : François Famy ("françois famy ajan" [CI-2041 (f°16)]). Nota : "ajan", pour agent.
Secrétaire : Claude-Charles Bornet ("Bornet Sere" [f°16]). Nota : "Sere", pour Secrétaire.
Les autorités constituées dont il n'est pas fait mention sont maintenues dans leur état. "Tous ceux qui sont remplacés, rendront compte de leur gestion dans l'espace de deux décades à ceux qui leur auront succédé. L'agent national du district est chargé de l'exécution du présent arrêté. Fait à Nantua, le 28 messidor an II de l'année républicaine. Signé Méaulte". [RD06, f° 14v-15 (16/07/1794) !]. Le même Jean-François Berrod, officier de santé à Montanges, reviendra cette fois avec succès à Champfromier pour y installer, en tant que commissaire, lesdits officiers nommés par Méaulte, "tous lesquels ici présents et assemblés au Temple de l'être suprême (l'église), et avons reçu d'eux le serment, et ont tous signés, excepté André Serignat et Joseph Tournier pour ne savoir" [RD06, f° 14v-15 (08/08/1794)].
Comme de tradition, les anciens officiers municipaux ne rendent pas les registres (du moins pas dans les délais) : "Ayant attendu jusqu'à midi, nous avons été surpris de ne voir paraître ni maire ni agent national ancien, et par conséquent aucun officier municipal, et nous nous sommes retirés, laissant les anciens chargés de tout ce qu'ils avaient en gestion, déclarant ne pouvoir rien prendre en charge depuis le jour de leur installation" [RD06, f° 19 (11/09/1794)].
Le 17 Frimaire an III (07/12/1794) comparait à Champfromier, Jean-Isidore Caire, commissaire délégué par le district pour l'exécution de l'arrêté Boisset relatif à la réorganisation des municipalités du district (et de tous ses cantons), qui a déposé sur le bureau le tableau nominatif des membres qui doivent composer cette municipalité. Et le conseil, ayant oui l'agent national, arrête que ce tableau sera transcrit sur les registres, dont la teneur suit : "Liberté, Egalité, République Française. Le représentant du peuple, Boisset (...)".
Maire : Julien Tournier.
Officiers municipaux : François Marquis, Joseph Famy (Nouveau, puis aussi Commissaire distributeur, dont il demandera à être déchargé quand il sera aussi nommé Officier public), François Tournier (semble avoir la signature de Jean-François), François Juilland, Claude-François Grizard [CI-1835].
Agent national : François Famy.
Notables : Jean-François Juilland, Joseph Tournier Malacombaz, François Bornet-Valet, François Ducret-Meunier (il semble devenir le commissaire distributeur en 1795), Joseph Marquis de Communal, François Tournier-Many, François Ducret-Satre, Martin Tavernier du Pont d'Enfert, François Martin, François Rendu, Bernard Pillard, Martin Genolin.
Secrétaire-greffier : Claude-Charles Bornet.
Assesseurs du juge de paix : Jean-François Genolin, André Bornet, Roland Tavernier, André Tournier.
Et sont immédiatement installés les 11 présents, au temple (à l'église), par ledit Caire [RD06, f° 20v-22v].
Officier public. Joseph Famy [CI-1543], déjà conseiller municipal et Commissaire distributeur, est aussi nommé Officier public par Boisset. Il demandera alors "d'être remplacé au poste de commissaire distributeur, devant d'ailleurs être choisi parmi les plus forts contribuables alors qu'il est l'un des moins imposés. La majorité des voix s'est portée pour le remplacer, après avoir consulté le rôle des contributions, sur François Ducret, un des plus forts contribuables" (18/02/1795) [RD07, f° 6v].
Agent municipal. Le 10 novembre 1795, Jean-Baptiste Tournier, cultivateur à Champfromier, apprend qu'il vient d'être nommé agent municipal, mais avec humour il démissionne immédiatement : "lequel a déclaré qu'il venait d'apprendre que lors de la dernière assemblée communal il avait été nommé à la place d'agent municipal pour l'organisation de l'administration centrale, qu'il l'accepterait avec plaisir s'il avait l'intelligence nécessaire, mais que ne sachant qu'à peine signer, il se croirait coupable s'il acceptait, et donne sa démission". Signature hésitante "jeanbgotir tournei" ! [RD07, f° 14v].
Cela ressemble bien à un limogeage collectif... "Ce jourd'hui 23 Brumaire an IV, les membres du Conseil Municipal assemblés, à la réception d’un "paquet" à notre adresse, lequel contenait un arrêté de l'administration du départemental de l'Ain du 14 du présent, lecture faite dudit arrêté, après avoir oui le procureur de la commune, le conseil déclare qu'il cesse dès ce jour toutes fonctions municipales, et qu'ils s'occuperont instamment à la reddition du compte de leur gestion" [RD07, f° 15].
Ce conseil avait semble-t-il était mis en cause sur ses comptes et il s'en défend immédiatement : "Sur les comptes à rendre pendant le cours de leur administration, le procureur a dit qu’attendu qu’il n'y avait aucun fond dans la caisse, qu’il est de nécessité de connaître toutes les dettes (... à savoir au secrétaire-greffier, 400 livres tant pour avances qu'en appointement d'une année et demie ; par Famy procureur 60 livres aussi pour avances et salaire de l'année pour remonter la grande horloge...)", et douze signatures sont là pour l'attester avec force [RD07, f° 15-15v].
Il s'ensuit une nouvelle période de brimades et de réquisitions pour les habitants, logement de dix garnisaires [militaires peu recommandables que les habitants mis en cause par l'administration devaient loger et nourrir], réquisition de 4 vaches et 1 bœuf pour le contingent, etc. Ces faits consignés dans les registres sont alors signés de "Bornet, agent" (le secrétaire-greffier, qui sera plus tard maire) et "Ducrest, adjoint" [RD07, f° 17 (13/04/1796)]. Les registres passent ensuite brutalement de l'an IV à l'an X (1796 à 1802), une lacune de 6 années, après quoi on retrouve la signature du même Bornet mais désormais en tant que maire... Et sachant qu'entre temps un maire non dénommé avait démissionné...
Julien Tournier, déjà conseiller arrivé en tête aux élections du 9 décembre 1792, a une signature bien connue, "Tournier" avec un grand "T" majuscule portant trois boucles dont deux aux extrémités de la barre du "T". Il est en fait Julien Tavernier-Tournier (1749-1814) [CI-2223]. Il est l'aîné des fils de Pierre Tournier et Marguerite Genolin. Il fut maréchal, propriétaire de Champfromier (demeurant probablement actuelle rue de la Fromagerie).
Quand Julien Tournier est nommé maire le 15 août 1794, la Terreur vient de se terminer (en juin), et Robespierre a été guillotiné à son tour, le 28 juillet 1794. La gestion municipale n'a pourtant pas encore le temps d'être vraiment communale... On relève bien quelques actes concernant les risques d'incendie, l'adjudication au rabais du remontage journalier de l'horloge, des soucis avec les dégradations et vols de bois communaux (saisie des quatre bœufs attelés), et des mesures de protection contre une épizootie. Mais la plupart des délibérations sont des mises en application dévouées, suite à des demandes à la gloire du pays tout entier et de ses armées : réquisition et marque des bestiaux, réquisition des grains et de moyens de transport des foins, réquisition d'avoine, d'une cloche de l'église, etc. Le conseil s'y opposera toutefois à plusieurs reprises, comme pour la livraison d'avoine qui ne permettrait plus d'en semer l'année suivante, et surtout le refus argumenté d'ironie : pas de cochon pour les armées !
Julien Tournier semble avoir été actif dès les premières élections municipales (Voir en 1790).
Publication : Ghislain LANCEL. Sources : AC Champfromier, RD 06-07.
Première édition de cette page, le 23 avril 2013. Dernière mise à jour, idem.