Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL |
L'abergement de Chalam aux Montangers date de 1439. Il fut renouvelé en 1565 ainsi qu'en témoigne la copie du même acte inédit, le manuscrit 168 provenant d'un fonds inédit privé.
Que s'est-il passé après le renouvellement de l'abergement en 1565, et en particulier en ce qui concerne les souhaits et droit obtenu à partager la "Montagne de Challamoz" entre les divers communiers de Montanges ? Il semble bien que ce partage n'ait jamais eu lieu, ou plus exactement qu'il fut seulement réduit de 1598 à 1634 à une répartition en deux pièces, soit 1/3 réservé aux communiers des hameaux de Fay, Ruty et Echazeau, et 2/3 laissés en indivis aux autres communiers de Montanges, l'ensemble redevenant à jamais indivis.
On sait que l'année 1590 fut terrible pour Nantua, ravagé par les Genevois devenus protestants et voulant contrer le Duc de Savoie, pillant de même au retour Champfromier et Montanges, avant de se faire eux-mêmes tuer en grand nombre à leur retour par ceux de la Michaille. On se souvient aussi qu'avant d'atteindre Nantua s'était déroulé le fameux épisode dit de la Combe des Huguenots, en forêt de Champfromier.
En 1597 une taxe de guerre de 6.000 florins est imposée par le Duc de Savoie aux habitants de Montanges. En 1598, les habitants de Montages, qui avaient joui de la Montagne de Chalamoz concurremment avec les hommes des hameaux, sont autorisés par arrêt du sénat de Chambéry en date du 30 janvier 1598 à répartir cette somme entre les différents hameaux de la commune. Les habitants des hameaux de Fay, Ruty Echazeau vendirent, le 2 avril 1598, du consentement du syndic et des habitants de Montanges, ce tiers de la Montagne de Chalam pour la somme de 1420 florins au sieur Cuet, religieux de Nantua (1).
Le dernier jour de février 1603, ledit sieur Cuet céda tous ses droits aux trois frères Merméty. Et le 14 janvier 1634, par devant notaire, Merméty, châtelain de Chézery, vendit à Bernard Renaud, syndic de Fay, Ruty Echazeau, et avec lui à divers particuliers de ces trois hameaux, savoir "la troisième partie de la montagne de Chalame, commune et indivise pour les deux autres tiers avec les habitants de Montanges", moyennant le prix de 568 livres, revenant ainsi à la situation de 1598 (1).
Tout ne semble toutefois pas aussi simple. Ainsi la Guerre de dix ans (1636-46) à peine commencée, ne voit-on pas le 7 juin 1636 les communiers de Montanges vendre aux Mermet, moyennant 4000 livres, deux parcelles situées aux Nerbiers et aux Ramas (actuel territoire de Champfromier), les montangers justifiant de la vente à cause des guerres et épidémies, pour "se desgager des grandz debtes de la nécessité du temps, les fréquentz passage et logementz des gens de guerre, et les accident des obstilités pendant les années contagieuses et calamiteux", on relève effectivement des obligations contractées depuis 1614 et non encore remboursées pour un montant de près de 3000 livres.
Les vendeurs sont les communiers, Amed Berroct-Vally, syndic moderne de Montanges (élu dans l'année), Louys Berroct et Claude Devaulx, ses conseillers, Humbert Roman, syndic du village de Fay et Ruty, Claude Jacquinod-Cary, son conseiller,
et avec eux, Bernard Berroct-Vally, Bernard et Claude Berroct dit Rochex, Henri Berroct-Toblanc, maréchal, Claude Mermet-Barbier, Pierre Rey dit Grobelet, Claude Mermet Barbier le jeune, Loys Mermet-Barbier, honnête Bernard Mourier, clerc, Humbert Mourier, Martin Mourier-Taborin, Anthoine Mourier dit Fornier, Nicolas et Jehan Roman, frères, Pierre Mourier-Fornier dit Pitre, Philibert Mourier dit Bussiod, Pierre Mermet dit Barbier, Claude Buffard dit Berthet, Louys fils de feu Humbert Roman, Pierre-Anthoine Rey dit Grobellet, Pierre Mermet dit Virissex?, André Marcellin, Perceval Daulguin, Philibert Ravet, Claude Boillet, maréchal, Henry Boillet, Philibert Boillet, Philibert Guillet, Claude Daulguin, Guillaume Berroct dit Vally, Bernard Rolet, Philibert Mourier dit Bourguignon, Philibert et Thiéven enfants de feu Bernard Gras, Bernard Marcellin, Claude fils de feu André Berroct-Vally, Perceval Rey dit Parin, Philibert Berroct dit Vally, Pierre Leydu, Claude Loverier sergent ordinaire de la terre de Nantua et Bernard Taravel dit Paget, tous du village de Montanges,
Estienne Devaulx, Claude Roman, François Roman, Estienne fils de feu Jehan Roman, Claude Berroct dit Garvellod, Philibert Beney, Bernard Berroct, Thiéven Berroct (Renod?), tous du village de Fay et Ruty.
Ils vendent à Henry Mermetz [Famille Mermety], de Montanges, conseiller du roi et président du grenier à sel de Nantua, fils autorisé de Louys Mermet, de Montanges :
1) Une pièce de prés, bois, pasquiages, arpages et montagne, appellée La Combe des Nerbiers, de la terre de Nantua, jouxtant, au levant et au vent (au sud) une autre montagne (alpage) appelé Challamoz et appartenant aux vendeurs, au couchant les pré et montagne de Claude, fils de feu Louis Perrin dit Jandoz, de Claude Mathieu dit Royhallier? et d'honnête Claude Duport de Nantua, de bise (du nord) les pré et montagne dudit Mathieu, de Pierre Rochex et de Jehan fils de feu Jehan Clerc ;
2) Une autre pièce de pré et montagne, bois et arpage, au lieu-dit Les Ramax [Ramas], jouxtant du levant à la montagne de la juridiction de Chézery et au nant des Ramas entredeux, du couchant et en partie de bise à la montagne de Challamoz appartenant aux vendeurs, du vent et du couchant à la montagne de Laurent Bornet de Champfromier, à la montagne commune de Champfromier et Montanges, et du vent aux pré et montagne d'Aymé Mermillon et au Pré Brung des frères Michod.
La somme et prix de 4.000 livres pour la vente couvre les dettes de 870 livres à Jean-Louis Passerat de Châtillon pour une obligation datant de 1614 et liquidée en présence de Bernard Mourier-Taborin, clerc, Louys Berroct-Vally, et autres habitants de Montanges ; de 814 livres en deux obligations de janvier 1630 à François Delaville, praticien de Montanges ; 275 livres à l'honorable fils et cohéritier de feu honnête Jean Jarcellat, soit au total 2.951 livres [sic], les 1.049 livres restantes étant payées à titre d'acompte envers Louys Mermet, père de l'acheteur, dont des particuliers de la communauté ont des obligations personnelles envers lui.
Les témoins sont Me François Delaville, praticien, Jacques et Pierre Gojon, frères, maçons de Montange, Michel, fils d'Amed Chardon de Monnetier. Fait à Montanges, chez M. Mermetz, par Me Devaulx, notaire royal. Le manuscrit 172 est une collation par Me Jehan Genolin, notaire royal, datée de 1648.
Ces deux parcelles marginales, vendues pour 4.000 livres, donnent une idée de la valeur de l'abergement global détenu par les Montangers. Même s'ils eurent à souffrir des guerres, des épidémies et des famines, ils ne furent pas les seuls dans le voisinage, et on peut se demander comment procédèrent les autres communautés de la région. En ce qui concerne les possessions de Montanges, ces ventes effectuées, la parcelle restant à la communauté après cette vente de 1636 semble bien disposer alors de ses délimitations définitives, celles que l'on retrouvera sur les plans et états de 1833, et qui sont encore les mêmes de nos jours (2009).
Délimitations définitives, les tentatives de reprendre l'idée d'un morcellement individuel n'aboutiront plus. Près de deux siècles après cette mutilation du domaine en 1636, divers jugements, du mois de février 1826, confirmeront que le domaine de Chalam restera indivis, le dernier acte en ce sens étant l'ordonnance royale prononcée par Louis-Philippe, au château d'Eu, en date du 23 mai 1831 (1).
Publication Ghislain Lancel. Remerciements : (1) Note des archives de la Mairie de Montanges, mention de source aux Archives Départementale, série O. Manuscrit 172 (vente de 1636) et autres, fonds Delaville.
Première publication, le 7 août 2009. Dernière mise à jour de cette page, le 15 novembre 2011